BILAN 2015







2015 fut une année très satisfaisante pour le fan de manga, tant le marché s'est développé en deux axes essentiels qui, au lieu de se concurrencer, n'ont fait que se compléter. D'un côté, l'emphase est mise sur un patrimoine essentiel de l'Histoire du manga, avec la sortie de séries qui ont grandement participé à l'évolution du média, principalement à travers des projets de financements participatifs. C'est ainsi que des collections dédiées à Go Nagai ou Leiji Matsumoto peuvent compléter nos étagères, à travers des éditions élégantes que l'on doit principalement à Black Box ou Isan. De l'autre côté, les grands succès les plus récents sur l'archipel nippon sont rapidement publiés sur le territoire français, comme Ajin ou Seven Deadly Sins l'an dernier. Le catalogue disponible cette année est vaste, très vaste, trop. Pour ce bilan il a fallu faire des choix, et c'est avec regret que certaines séries n'apparaissent donc pas dans ces lignes. Aussi, citons les séries qui, bien qu'absentes, n'ont pas manquer de s'imposer comme des réussites incontestables. Taiyou Matsumoto, génial créateur d'Amer Beton et de Number 5, revient avec une série en partie autobiographique consacrée au quotidien d'une bande d'orphelins, dans Sunny. Bien que la collection dédiée à Junji Ito soit à présent achevée, 2015 a vu la parution du délirant Le Journal des Chats, là encore en partie autobiographique. Gageons que 2016 nous apporte d'autres œuvres du maître. Pour des raisons d'accessibilité évidentes, les deux prochains mangas n'apparaissent pas dans le top, le premier étant disponible dans une édition italienne de qualité, le second n'ayant pas encore quitté les frontières du Japon. C'est ainsi que le toujours aussi tordu Shintaro Kago nous offre un véritable OVNI, intitulé Industrial Revolution and World War, un récit muet dans lequel d'adorables créatures colonisent des corps humains pour en faire de terribles armes. L'autre découverte est signée Inio Asano et se nomme Dead Dead Demon's Dededededestruction. Asano se sert ici de la science-fiction, pour étudier des personnages encore une fois réalistes et attachants, animés par des dessins de plus en plus magnifiques. Enfin, citons les très grandes réussites disponibles en France que sont Erased, Dimension W, la publication de la suite des aventures de JoJo's Bizarre Adventure, Billy Bat, 20th Century Boys ou de One Piece, sans oublier les nouvelles éditions de Cat's Eye, Planètes, Angel Heart ou Ikigami, Préavis de Mort.






05) Hiroya Oku : Last Hero Inuyashiki

Très peu de tomes sont pour le moment disponibles en France, seulement deux, chacun dépeignant le quotidien de deux personnages dont la vie va basculer au cours d'une nuit tout sauf banale. Le personnage principal de cette série est le vieil Inuyashiki, salary man dont le morne quotidien se limite à son travail et sa famille qui l'exècre. Une nuit, un objet extra-terrestre s'écrase sur le personnage, le tuant sur le coup, mais grâce à une technologie très avancée, les entités célestes le "réparent". Ou plutôt le changent en un cyborg surpuissant. Si Inuyashiki va user de ses nouvelles capacités pour faire le bien, un autre personnage, au contraire, va explorer une voie beaucoup plus sombre, ce que mettra en avant le second tome de la série. La narration, fluide et élégante, brille aussi par la qualité des illustrations, basées sur de véritables photographies, ce qui confère à l'histoire un cachet réaliste époustouflant. Certaines planches sont absolument magnifiques. Le récit peut se montrer dur, visitant les recoins les plus sombres de la psyché humaine, le manga n'est pas destiné aux plus jeunes. En l'état, Last Hero Inuyashiki pose les bases les plus enthousiasmantes lues depuis un bon moment.




04) Masato Hisa : Area 51

Masato Hisa voit deux de ses œuvres publiées en France : d'abord l'expérimental Jabberwocky qui, s'il brille par de nombreuses qualités, n'atteint pas la grandeur de son autre série, Area 51. Cette dernière bénéficie d'un scénario accrocheur qui se permet les développements les plus improbables, tout en profitant de protagonistes rafraîchissants et de conclusions surprenantes aux petites intrigues qui habillent le récit. Un fil narratif se tisse au fil de ces chapitres qui semblent déconnectés, mais l'auteur n'oublie pour autant pas d'étoffer son univers, via une mythologie efficace, melting pot de toutes les cultures, et l'apparition de nouvelles entités intrigantes. L'héroïne de cette série rayonne par son caractère et sa personnalité, elle est très attachante et permet une implication totale de la part du lecteur. Enfin, le dernier point qui hisse Area 51 au rang d'incontournable s'incarne dans la mise en page et le trait si particulier de Masato Hisa, un style qui n'est pas sans évoquer le Sin City de Frank Miller, en s'éloignant considérablement des clichés visuel du manga en général. Ludique et audacieux, le dessin participe grandement à l'ambiance unique qui se dégage de l'ouvrage.




03) Go Nagai : Devilman et Cutie Honey

Financée grâce à la contribution des lecteurs, une collection dédié à Go Nagai voit le jour en 2015, aux éditions Black Box. L'éditeur propose quelques séries de l'auteur, dont La Divine Comédie ou, et c'est le plus important, Devilman. Manga culte s'il en est, l'éditeur propose une édition remaniée par l'auteur lui-même, présentant ainsi une version dite définitive. L'histoire n'a rien perdu de sa puissance et se permet d'aborder des thématiques plus que jamais ancrées dans l'air du temps.
Une autre saga incontournable du mangaka débarque en France cette année, grâce aux éditions Isan, qui proposent l'intégrale de Cutie Honey dans une édition absolument superbe. Personnage culte de l'univers manga, Honey a vu ses aventures adaptées en anime, tandis que le récit de base reste à ce jour inachevé. Qu'importe, tant le voyage s'avère loufoque et propre à l'esprit débridé de Nagai.




02) Buichi Terasawa : Cobra

Les petits gars des éditions Black Box, encore eux, proposent une réédition du manga culte de Buichi Terasawa, Cobra, l'occasion pour (re)découvrir ce personnage iconique qui a clairement laissé sa marque dans l'Histoire du manga, mais pas seulement. Porté par un scénario riche en rebondissements et surprises, enrichi par une galerie de personnages dantesques, Cobra s'impose sans mal comme un indispensable récit de SF pulp dégoulinant de maîtrise. En plus de dépeindre un univers détaillé et riche, l'histoire défile à un rythme soutenu et se renouvelle sans cesse, distillant un plaisir de lecture immédiat et continu.




01) Daisuke Igarashi : Saru

Voilà que nous revient l'auteur de l'incontournable Les Enfants de la Mer, à travers une œuvre qui n'est pas sans évoquer l'excellent Sorcières. Plongeant à nouveau dans les méandres du fantastique, l'auteur nous invite dans un voyage à travers le temps et la planète, via une narration décousue bercée par des planches magnifiques, elles-mêmes teintées d'un mysticisme savoureux. Véritable épopée apocalyptique portée par des personnages attachants, les pages de Saru promènent le lecteur d'époque en époque, d'Angoulême à Pékin, en passant par Lima, tandis que son héroïne tente de rassembler des objets sacrés dans le but de lutter contre une entité maléfique. Touffu et passionnant, le récit marque autant qu'il interroge, non sans oublier de gâter les esthètes, à travers un trait soigné et détaillé. Presque vivant.









Là aussi, le catalogue se diversifie, grâce à des éditeurs qui jouent le jeu en diffusant autre chose que des séries de super-héros. Chez Panini nous avons des projets un peu moins grand public que les Avengers, avec l'érotico-tranche de vie Sunstone, chez Urban nous profitons de l'extension d'un catalogue dédié aux auteurs. Cette politique permet de proposer un travail d'édition cohérent, avec des publications consacrées par exemple à Jeff Lemire (Sweet Tooth), Warren Ellis (Trees, Hellblazer) ou encore Jason Aaron (Wolverine & the X-Men, Southern Bastards, Men of Wrath). Il y a une réelle volonté de diversification en adéquation avec ce que propose le marché US, et les grandes boîtes d'édition se lancent à leur tour dans l'aventure comic books, comme Glénat qui diffuse de véritables succès tels que Letter 44, Sex Criminals ou le fantastique Lazarus. Une démarche qui semble se poursuivre en 2016. Les classiques de l'univers comics ne sont pas en reste, avec des rééditions incontournables qui s'étalent tout au long de l'année, de l'indispensable Mad Love à la conséquente Infinite Crisis, toujours avec cette volonté de mettre en avant des auteurs (le Captain America d'Ed Brubaker par exemple). Bref, là encore, constituer un bilan limité à cinq entrées demeure une tâche ardue, mais nous ne sommes pas mécontents du résultat.





05) Scott McCloud : Le Sculpteur

C'est plutôt rare de voir débarquer du McCloud en France, si l'on excepte la publication régulière de ses essais dédiés à la bande-dessinée. Mais voilà qu'arrive Le Sculpteur, récit faustien tout en bichromie mettant en scène des personnages attachants comme on en rencontre que rarement dans l'univers des comics. Véritable déclaration d'amour envers la merveilleuse faculté de l'Homme à créer, Le Sculpteur est un récit bouleversant, exploitant à merveille les ressources de son format, à travers une composition d'une maîtrise absolue. Drôle, émouvant et surprenant, mais jamais niais ni tire-larme, McCloud livre une prestation toute en retenue, une histoire qui se meut en un poignard pointé directement vers le cœur du lecteur.




04) Jack Kirby : Le Quatrième Monde

Connu pour avoir donné vie à des figures héroïques incontournables, Jack Kirby est aussi l'auteur d'une fresque épique étalée sur quatre séries, toutes publiées chez DC Comics. Superman's Pal, Jimmy Olsen suit les aventures du jeune journaliste et de ses nouveaux amis, Mister Miracle se consacre au personnage éponyme, tandis que The New Gods et The Forever People se consacrent à l'aspect cosmique de l'univers DC. Ces quatre séries se regroupent pour étudier le conflit qui oppose New Genesis à Apokolips, une mythologie qui ne tendra qu'à se développer au fur et à mesure de la parution des numéros. Ces récits brillent par leur inventivité constante, appuyée par le dessin puissant de l'artiste, qui signe ici une quantité astronomique de planches épatantes. Véritable pierre angulaire du patrimoine comics, Le Quatrième Monde désigne en fait ces quatre séries, et s'impose sans mal comme l'un des projets les plus ambitieux et les plus passionnants de l'histoire de la bande-dessinée américaine.




03) Alan Moore : Top 10 et Miracleman

Déjà éditée en France par Urban Comics, la série Top 10 d'Alan Moore, auteur incontournable du paysage des comic books, était disponible en trois tomes distincts. Pour les fêtes de fin d'année, l'éditeur propose une intégrale réunissant tous les numéros de la série principale, ainsi que deux séries annexes, toujours écrites par Moore, à savoir Smax et The Forty-NinersTop 10 décrit le quotidien d'un commissariat situé au "centre" d'une infinité de réalités parallèles, dans une ville créée par des scientifiques, où chaque habitant possède des super-pouvoirs, des chauffeurs de taxi aux souris qui vivent dans les murs de nos appartements. Récit policier abordant une multitude de pistes scénaristiques, explorées par des personnages hauts en couleurs et directement attachants, la série propose une variété de situations hallucinante, le récit abordant des thèmes parfois durs, sans jamais oublier de proposer un humour régulier salvateur.
Une autre série de l'auteur anglais débarque chez Panini Comics, à savoir Miracleman, un travail très mâture dans lequel le scénariste dissèque les super-héros et en propose une étude intelligente, basée sur un récit sombre, cruel, mais toujours pertinent, et bien sûr écrit d'une main de maître.
Deux grandes œuvres d'Alan Moore en 2015, incontournables, ça ne se refuse pas.




02) Grant Morrison : Multiversity

Si en France nous avons eu la chance de voir un des travaux de jeunesse de l'auteur anglais, Kid Eternity, c'est en version originale que se dissimule ce qui est probablement l'un des sommets de la carrière de Morrison. Multiversity, tel est son nom, un récit d'une ambition démesurée, colossale, servi par les plus grands illustrateurs du moment. Morrison a pour mission de réintroduire officiellement le multivers au sein de l'univers DC, ce qu'il fait de manière brillante en explorant l'Histoire de l'éditeur américain, revisitant avec talent les grands classiques, de Watchmen aux boulots de Jack Kirby, sans oublier de mettre en avant la notion de création inhérente à son travail, ainsi qu'en plaçant le lecteur au centre de l'intrigue. C'est beau, passionnant, intelligent, conceptuel et copieux (l'un des numéros propose un catalogue des 52 univers parallèles !), en un mot, absolument indispensable.




01) Rick Remender : Deadly Class, Uncanny X-Force, et Black Science

Rick Remender est un auteur talentueux, un scénariste dont je suis la carrière avec un intérêt constant. Fatigué de son travail pour les éditions MARVEL, Remender délaisse quelque peu le géant des comics pour se consacrer à des travaux personnels, publiés chez Image. En France, nous pouvons découvrir les travaux de l'auteur grâce à l'éditeur Urban Comics, qui prévoit de sortir en 2016 les deux derniers cartons du scénariste : LOW et Tokyo Ghost. Pour le moment, c'est Deadly Class que le lectorat français peut découvrir, toujours grâce à Urban. Cette série parle du jeune Marcus, un adolescent SDF qui ne survit que dans l'espoir de tuer le président Reagan. Remarqué par une institution secrète visant à former l'élite des assassins, Marcus rejoint cette école clandestine et rencontre une myriade de personnages creusés et motivés par des ambitions et des buts différents. Cette série s'impose comme l'un des travaux les plus aboutis de Rick Remender.
Mais 2015 voit aussi l'arrivée en France d'un travail plus ancien du scénariste, l'excellente série Uncanny X-Force, qui se déroule en parallèle de la tout aussi superbe série de Jason Aaron, Wolverine & the X-Men. Dans cette version d'X-Force, Remender présente une équipe de X-Men clandestine, dont les activités sont secrètes et dissimulées au reste du monde. Cette équipe, composée de Wolverine, Psylocke, Archangel, Deadpool et Fantomex, s'occupe des basses besognes les plus terribles, du meurtre à la torture. Absolument indispensable, grâce à une narration exemplaire, des personnages fouillés ainsi que des thèmes passionnants, quasi philosophiques.
Enfin, c'est Black Science qui débarque sur notre territoire. Dans cette nouvelle série, le scénariste suit un groupe d'explorateurs perdus entre des dizaines des mondes parallèles. Encore une fois, Remender donne vie à des personnages marquants, auxquels il ne vaut mieux pas trop s'attacher étant donner sa propension à tuer ses propres créations. Cependant, multivers oblige, l'auteur ne se prive pas d'exploiter cette notion pour présenter plusieurs versions d'un même personnage, ce qui permet un jeu narratif haletant. Aux dessins, nous retrouvons une brute de l'illustration, Matteo Scalera, qui dévoile des tableaux hallucinants de maîtrise. Avec ces trois œuvres, Rick Remender repousse les limites de l'imagination et devient le démiurge d'univers passionnants à explorer.







Si les gros projets formatés ont rythmé 2015 par leurs incessantes parutions échelonnées tout au long des douze mois, ces jeux (souvent de qualité) marquent aussi l'aseptisation d'un marché tout entier qui ne se renouvelle que par l'inventivité des passionnés et indépendants qui alimentent régulièrement nos plateformes de jeu. Si Metal Gear Solid V : Phantom Pain brille par son gameplay, il peine à convaincre sur le fond, saboté par un développement chaotique et précipité pour cause de rentabilité. Si le rouleau-compresseur The Witcher III : Wild Hunt frôle la perfection, il déçoit cependant par son manque de prise de risque, d'originalité. C'est vers des projets aussi discrets qu'incontournables qu'il faut se tourner pour dénicher quelques surprises, du conceptuel Her Story qui propose le meilleur gameplay de jeu d'enquête à ce jour, au surprenant Undertale, qui propose une expérience unique dans la vie d'un joueur, mais qui manque encore d'un peu de maturité pour pouvoir arpenter ce bilan. Signalons les réussites de Hotline Miami 2 : Wrong Number, toujours aussi déglingué, du retour en force des RPGs occidentaux avec Divinity : Original Sin ou Wasteland 2, du retour réussi de franchises qui ne déçoivent pas (Project Zero, Yakuza, le remake de Majora's Mask) ou encore de surprises inattendues, mais perfectibles, tel que le sympathique Until Dawn.

Note : l'incroyable Trails of Cold Steel, techniquement sorti fin 2015, pourrait figurer dans ce bilan si nous avions eu davantage de temps pour le tester.






05) Devil Survivor 2 : Record Breaker

ATLUS poursuit dans son habitude de proposer des versions enrichies de ses jeux, une entreprise entamée avec Persona 3 : FES, via une démarche qui consiste à corriger, améliorer et ajouter du contenu à un soft déjà sorti. C'est désormais le tour de Devil Survivor 2, qui ressort sur Nintendo 3DS affublé d'un nouveau sous-titre, Record Breaker. Cette version propose de nombreux ajouts, dont un bout de scénario étalé sur sept jours de jeu. L'aventure, de base, était déjà extrêmement satisfaisante, cette version complétée transcende l'original. Outre quelques ajustements visuels superficiels, le système de jeu est toujours aussi bien exploité, subtil mélange de jeu de rôle tactique et traditionnel. Le soft n'est peut-être pas essentiel pour quiconque possède l'opus original, mais en l'état, Record Breaker est la version ultime de Devil Survivor 2.




04) Bloodborne

Construit sur les bases solides de Demon's Souls, le nouveau jeu de From Software délaisse la dark fantasy pour se consacrer au fantastique pur, citant à la fois From Hell et l'œuvre de Lovecraft. Le résultat est bouleversant, le jeu s'éloignant de la formule développée par la saga pour, à nouveau, surprendre le joueur, grâce à une myriade de surprises saupoudrées tout au long de l'aventure, mais aussi en proposant des passages marquées par une poésie macabre qui manquait aux derniers opus. La folie s'immisce dans le gameplay lui-même, à travers un level design audacieux qui sait se renouveler, mais aussi via des mécaniques bien senties et des passages désormais cultes. L'écrin qui renferme Bloodborne n'a pas à rougir, la réalisation est impeccable, la maniabilité répond au doigt et à l'œil, et la bande-son s'impose sans mal comme l'une des meilleures de la série.




03) Xenoblade Chronicles X

Un concept dédié à l'exploration, combiné à des mécanismes issus du jeu de rôle japonais et un contenu perpétuellement en expansion font de ce second épisode de Xenoblade une expérience unique dans le paysage des jeux vidéo. Le gameplay du jeu est en adéquation avec le concept de colonisation proposé par le scénario, à travers une multitude de principes à assimiler, comprendre et exploiter. Gestion de matière première, objets à collectionner en pagaille, larges possibilités de personnalisation de son personnage (apparence, équipement, compétences, techniques) ou de son équipe (avec 18 personnages accessibles), autant d'activités qui font défiler les heures à une vitesse folle. La réalisation très satisfaisante et la bande-son magistrale de Sawano participent à la réussite de Xenoblade Chronicles X, une réussite qui devient totale grâce à la présence des Skells, immenses méchas entièrement personnalisables capables de se changer en véhicules ou de fendre les cieux. Le jeu propose une immersion complète et ultime.




02) Life is Strange

Après Remember Me, les français de Dontnod Entertainment récidivent avec un nouveau jeu inspiré par les récents essais de Telltale Games ou Quantic Dream, à savoir des simili point'&'click réalisés en trois dimensions, linéaires, mais proposant une évolution différente de l'histoire suivant les choix effectués par le joueur. Life is Strange propose un épopée contemporaine mêlant l'intime à l'apocalyptique, dans un jeu très bien réalisé, supporté par une bande-son très efficace. Les scènes cruciales s'enchaînent et le jeu, divisé en cinq chapitres, propose une tonalité mélancolique qui lui confère une ambiance toute particulière. C'est cette atmosphère et son écriture qui hissent Life is Strange au somment de ces aventures interactives, bien que 2015 vit passer plusieurs expériences du même genre, dont l'éprouvant Until Dawn.




01) Pillars of Eternity

Voici clairement le jeu le plus enthousiasmant de 2015, voire même le jeu de rôle occidental le plus maîtrisé depuis plusieurs années. Pillars of Eternity transpire l'amour du genre, le jeu propose un univers qui met en avant ses origines, à savoir le jeu de rôle papier, au service d'une intrigue passionnante, accessible à une grande majorité de joueurs, tout en proposant un contenu insondable pour les plus expérimentés d'entre eux. Bénéficiant d'un soin tout particulier accordé à l'immersion, via l'écriture, exemplaire, ou à travers la bande-son, incroyable, le jeu n'oublie jamais de distiller un plaisir continu, à travers des quêtes palpitantes et un contenu qui s'étoffe d'heure en heure. Bouffe-temps insatiable, Pillars of Eternity frappe fort et marque peut-être le retour d'un âge d'or du RPG occidental dans toute sa splendeur.







Malgré les sorties incessantes, très peu de séries ont été visionnées cette année, faute de temps. Ainsi, ce bilan sera loin d'être exhaustif, nous nous sommes en partie reposés sur les valeurs sûres, les séries que nous suivons année après année. Quelques surprises néanmoins du côté d'American Horror Story qui revient pour un cinquième massacre, dans une saison sobrement nommée HOTEL. Une autre surprise produite par Amazon, et adaptée du travail de Philip K. Dick, The Man in the Hight Castle, propose des épisodes vraiment prenants et bien écrits. Du côté des anglais, un épisode spécial de l'incontournable Sherlock s'impose sans difficulté comme un diamant brut, qui ne figure malheureusement pas dans ce bilan étant donné sa nature d'épisode unique. Banshee, Flash et Orange is the New Black continuent leur bonhomme de chemin, tandis que les séries MARVEL, malgré leur succès, se révèlent être de véritables coquilles vides (Daredevil et Jessica Jones). De plus, quelques nouveautés doivent encore faire leurs preuves, tels The Magicians, Wayward Pines, Scream Queens ou Jonathan Strange & Mr Norrell. Enfin, pas mal d'animes de qualité cette année, One Punch Man en tête, talonné de près par Kekkai Sensen.





05) Ash VS Evil Dead

Plus de vingt ans plus tard, Sam Raimi offre une suite à sa trilogie incontournable, sous la forme d'une série télévisée. Bruce Campbell enfile à nouveau le rôle de l'unique Ash, et s'engage dans un road trip à travers les États-Unis pour enterrer définitivement le mal qu'il a affronté dans sa jeunesse. Généreux, foutraque et surtout divertissant, la série s'impose comme un best-of horrifique sans concession, sorte de déclinaison télévisuelle de The Evil Within. Tout est là, de l'humour bas du front au gore le plus dégueulasse, poupées possédées et bras-tronçonneuse, la série enchaînant les ruptures de ton pour passer de l'humour cartoonesque débridé au malsain le plus poisseux en une fraction de seconde. Imparfaite, car reposant sur la caractérisation hasardeuse de son personnage principal, la série propose une cascade de fun à travers ses quelques courts épisodes qui évitent à la lassitude de s'imposer.




04) Sense8

Sorte de prolongement narratif et thématique de Cloud Atlas, Sense8 constitue un véritable tour de force technique, articulé autour d'un montage qui a dû filer quelques sueurs froide à toute l'équipe ! Tournage aux quatre coins du monde, scénario relativement basique qui ne sert qu'à développer des personnages forts et passionnants à suivre, photographie sublime, voilà ce qui participe à la réussite de cette série aux ambitions universelles. Sense8 propose aussi quelques grands moments de télévision, de l'orgie la plus étrange à la séquence musicale sur les naissances, sans oublier le dernier épisode monstrueux dans lequel la fusion entre l'image, les personnages et le spectateur devient absolue. Sans oublier que la série ne recule devant rien, osant montrer ce que d'autres évitent à tout prix, sans jamais sombrer dans la complaisance d'un voyeurisme malsain. Un mauvais point concernant le mode de diffusion, uniquement sur Netflix pour le moment, et aucune sortie bluray de prévue, tout comme Orange is the New Black...




03) Rick & Morty

Après une première saison très enthousiasmante, Rick et Morty reviennent pour une nouvelle salve d'épisodes qui confirment la qualité hallucinante de cette série toute récente. Les concepts de science-fiction les plus improbables alimentent une fournée d'épisodes hilarants qui risquent fort de marquer le petit monde tranquille de la télévision pour un bon moment. Mélange incongru de Retour vers le Futur et Futurama, Rick & Morty aborde une multitude de thématique à travers des scénarios intelligents qui n'ont peur de rien. La conclusion de la saison se permet même une approche mélancolique inédite qui remet en question l'étrange lien qui unit le spectateur au personnage de Rick, rappelant par là-même les plus grandes heures d'Adventure Time.




02) Adventure Time

Adventure Time, justement, qui s'est permis, en plus des épisodes classiques, de proposer une mini série, intitulée Stakes, en huit chapitres dédiée au personnage de Marceline. La réussite de la série vient en premier lieu des épisodes classiques qui ne se privent pas pour développer des approches différentes, mais toujours maîtrisées (une fin de saison six épique et cosmique, un début de saison sept centré sur les personnages et intimiste). Mais Stakes constitue une nouvelle claque, avec son ambiance ésotérique et fantastique, son cheminement qui fait écho aux différentes arcanes du tarot, ses personnages merveilleux qui font partie des plus belles créations télévisuelles, sans oublier cet humour absurde et décalé inimitable. En quelques années, Finn et Jake ont marqué la pop culture de manière indélébile avec une facilité déconcertante.




01) Doctor Who

Une fois encore, la série anglaise s'impose sans effort comme la meilleure expérience télévisuelle de l'année. Cette neuvième saison poursuit son exploration d'une thématique lourde et délicate, la mort, déjà abordée durant la saison précédente. Le deuil, l'oubli, la disparition, autant de questionnements qui envahissent les épisodes de Doctor Who cette année. Regorgeant d'épisodes aussi beaux qu'extraordinaires, dont un fantastique morceau de bravoure dans lequel le Docteur assure le spectacle à lui tout seul, cette saison mêle habilement les attentes des fans aux expérimentations les plus concluantes. La qualité de cette série, année après année, en devient indécente.







Une année conséquente côté cinéma, ponctuée de surprises et de déceptions, mais d'une variété constante. Parmi les bonnes nouvelles, comment ne pas citer le retour de Pixar qui signe deux épopées très réussies : une histoire d'amitié très classique, mais d'une maîtrise incroyable, portée par une qualité juste hallucinante, avec Le Voyage D'Arlo, et une autre beaucoup plus originale, Vice-Versa, qui manque juste d'un petit quelque chose pour atteindre les sommets. En tout cas, le studio semble en forme, en attendant les suites annoncés, nombreuses (Les Indestructibles 2, Le Monde de Dory, Cars 3, Toy Story 4) et les projets originaux, beaucoup plus enthousiasmants (Coco). Outre le problématique septième épisode de Star Wars, qui noie son intérêt dans un cahier des charges trop encombrant, c'est vers les petites péloches audacieuses qu'il faut se tourner pour prendre son pied : le réussi The Final Girls, le potache Scouts Guide to the Zombie Apocalypse, ou l'excellent Krampus, des films dispensés de diffusion dans notre beau pays. Le cinéma asiatique nous gâte avec les épatants Sea Fog, Hard Day ou La Bataille de la Montagne du Tigre, tandis que l'indépendant nous a mis plein la tronche avec Birdman ou Whiplash. Enfin, citons les efforts du côté des éditeurs, qui ne cessent de surprendre (le blu-ray des 7 Samouraïs de Kurosawa, la ressortie de Massacre à la Tronçonneuse !).




05) Andy et Lana Wachowski : Jupiter Ascending

Voici le mal-aimé de 2015, un long-métrage dont le fond se dissimule loin sous la forme. Le cru de l'année des Wachowski revisite les contes classiques à travers le prisme de la science-fiction. Sublimé par une direction artistique culottée, qui cite allègrement le patrimoine SF et fantastique de ces dernières années, tout en puisant son inspiration dans l'Art antique, le film dévoile une fresque basée sur des concepts universels forts, le tout transcendé par la partition colossale d'un Giacchino en très grande forme, comme toujours. Le casting n'assure malheureusement pas toujours, et quelques tristes dissonances, comme le rythme bancal, empêchent le film de se situer plus haut dans ce bilan. En attendant, voici un nouveau pied de nez au système hollywoodien de la part des cinéastes maudits.


04) George Miller : Mad Max : Fury Road

Avec cette nouvelle itération au sein de la franchise Mad Max, le réalisateur George Miller signe un film concept ahurissant, une péloche qui digère l'histoire du cinéma d'action de ces vingt dernières années en se permettant de faire avancer le média et les techniques de narration. Séquence d'action étirée sur deux heures éreintantes, Fury Road renverse non seulement les codes de la saga mais aussi ceux du cinéma tout entier. Le film assène les plans cultes et les prouesses à un rythme indécent, sans oublier de proposer un esthétisme recherché et unique, saupoudrant la pellicule de plusieurs tableaux d'une richesse picturale audacieuse. Galvanisé par une bande-son primale et vigoureuse, la fresque dessinée par le film met en scène des personnages forts qui, encore une fois, malmènent habilement clichés et attentes du spectateur.




03) Matthew Vaughn : Kingsman : Services Secrets

Vaughn poursuit sa percée parmi les films tirés de comics avec ce Kingsman, adaptation électrique du récit de Mark Millar. Le réalisateur insuffle à son long-métrage un rythme effréné et des trouvailles en pagaille, qu'elles soient visuelles ou dissimulées dans l'écriture. Des acteurs convaincus et convaincants permettent au film de ne jamais se prendre trop au sérieux, tout en proposant une myriade de séquences incontournables, les plus impressionnantes étant l'assaut final, délicieux hommage aux James Bond classiques, ou la fameuse scène de l'église, exemplaire. Du fun à l'état pur, qui se pare d'une réalisation classieuse et élégante, laquelle laisse parfois place à l'hystérie la plus primaire, voilà ce que propose ce long-métrage qui dénote clairement avec le reste la production cinématographique annuelle.




02) David Mitchell : It Follows

Cauchemar éveillé que cet It Follows, un film choc citant certains classiques du cinéma d'horreur des années 80, tout en portant un regard contemporain sur les personnages qui le traversent. Animé par une musique clairement psychotique, révélant ses nappes atmosphériques avec un talent certain, le long-métrage de Mitchell s'impose comme un classique instantané, loin des clichés et autres horror-movies d'une platitude affolante qui se déversent régulièrement sur nos écrans de cinéma. Brillant par une mise en scène sobre mais percutante, le film ne délaisse jamais ses personnages, une jeunesse perdue qui gravite autour d'une entité-concept aussi terrifiante que fascinante.




01) Brad Bird : Tomorrowland

Fausse publicité qui renverse son propos initial, le dernier film de Brad Bird est tout ce que le cinéma doit pouvoir offrir. Des personnages charmants, fouillés et attachants, une intrigue simple, mais qui prend le temps de développer ses obsessions à travers des péripéties et des développements cohérents, lesquels sont mis en scène d'une manière épatante. Si comme le reste du métrage les scènes d'action regorgent d'inventivité, elles n'oublient jamais d'exploiter toutes les possibilités offertes par la mise en scène : l'assaut de la maison distille un émerveillement constant, la découverte de Tomorrowland propose l'un des plans séquences les plus vertigineux du cinéma, loin devant Gravity, et la scène de la Tour Eiffel ravira les amateurs de Jules Verne et autres amoureux du steampunk. Signalons enfin le score de Giacchino, qui ne chôme décidément jamais, et nous obtenons ici la meilleure production de 2015, un film qui profite du système pour mieux le dénoncer par son propos intelligent.

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