Grant Morrison présente Batman: Tome 2 - Batman R.I.P.


Ecrit par Grant Morrison

Cet article contient des spoilers.

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Dans ce nouveau tome, le scénariste s'attarde sur la perception. La perception qu'ont les personnages du monde qui les entoure, bien sûr, les personnages bien sûr, mais aussi du lecteur par rapport à l'oeuvre. Ainsi, la narration sera souvent altérée, via des ellipses temporelles ou des voyages dans le temps, représentés par des souvenirs, des flashbacks, voire même des hallucinations construites sur des souvenirs passés. Batman R.I.P. est un immense puzzle, rempli de symboles et d'indices, au coeur duquel l'ennemi principal de Batman lui-même représente une pièce manquante.

Les choses sérieuses commencent alors que Batman entretient un échange musclé avec le Troisième Fantôme, celui du futur. D'office, les enjeux sont biaisés, étant donné que le lecteur sait que le Fantôme ne sera tué que dans l'avenir, par Damian (voir le volume 1). De ce fait, Morrison, toujours le premier homme lorsqu'il s'agit de jouer avec la narration, déplace les enjeux et attire l'attention du lecteur sur un autre point. Des scènes annexes viennent enrichir une situation prévisible, et pourtant, à la fin de ce chapitre, Batman reçoit une balle de plein fouet. Le scénariste s'amuse ainsi en faisant croire que le titre prophétique du volume vient de s'accomplir. L'un des thèmes les plus prisé par Grant Morrison est la rupture du quatrième mur *. Ainsi, et c'est davantage un détail amusant plutôt qu'un élément ayant une quelconque utilité pour la narration, dans l'une des cases mettant en avant le Commissaire Gordon, on peut voir des affiches "Wanted" placardées sur le mur, en arrière plan. Celles-ci sont aux noms de "F.M." et de "Jim Lee" *. Plus intéressant, le lecteur assiste rapidement à une première hallucination de la part de Batman. Les hallucinations seront, dans ce tome, très fréquentes. Et bien qu'il soit parfois ardu de remettre les pièces du puzzle dans le bon ordre, la présence de ces délires possède une justification narrative sur laquelle nous reviendrons plus tard. Dès le début de ce volume, donc, Batman (et par extension le lecteur) assiste à une première hallucination. Pendant quelques instants, le Troisième Fantôme possède le visage de l'Idole de Pierre, issue du Batman 156 et intitulé Robin Dies at Dawn". Ceci préfigure, toujours de manière prophétique (et toujours en brisant le quatrième mur), un chapitre à venir plus tard, Batman Dies at Dawn. Grant Morrison possède un plan, et il s'amuse à l'étaler morceau par morceau. De la même manière, une étrange inscription figure dans l'une des cases de ce chapitre: "Zur ...". On retrouve quelques images plus loin, les fameux mots qui se cachaient en arrière plan, lors du début du Tome 1, Zur-En-Arrh. Enfin, le scénariste s'amuse à déstabiliser le lecteur, en faisant apparaître un personnage tout à fait saugrenu, sorte de petit lutin volant dans un costume de Batman. Celui-ci aura son rôle à jouer plus tard, mais déjà le lecteur s'interroge sur les limites entre la réalité et la fiction.

* Quatrième Mur (concept)
Le quatrième mur est un concept inventé par André Antoine (principalement metteur en scène, réalisateur, comédien et directeur de théâtre: 1857 - 1943), qui définit le mur invisible qui sépare un personnage fictif de son public. Dans le cinéma par exemple, il arrive qu'un acteur s'adresse directement au spectateur du film, en regardant la caméra. C'est ce qui s'appelle la rupture du quatrième mur, quand le monde réel est directement connecté à l'oeuvre imaginaire. Dans les comics, cette rupture peut se retrouver via des annotations ou des détails en rapport avec la réalité. 
* F.M. et Jim Lee (biographies)
Les initiales "F.M." font référence à Frank Miller, scénariste reconnu à l'origine de récits articulés autour de Batman aujourd'hui cultes. On lui doit principalement Batman: Year One et The Dark Knight ReturnsJim Lee est un dessinateur de comics, né en Corée du Sud en 1964. Il a travaillé sur les plus grands personnages de l'univers des super-héros. Jim Lee possède un style dynamique qui rend justice à la fois aux personnages, grâce à un rendu du mouvement saisissant, mais aussi aux décors, via une multitude de détails. Jim Lee a fondé les productions Wildstorm, une filiale d'Image Comics.

* Robin Dies at Dawn (comics)
Robin Dies at Dawn est une histoire en deux parties parue dans le numéro 156 de Batman en juin 1963, et écrite par Bill Finger. Dans cette histoire, Batman se réveille sur une planète étrange, sans aucune idée de comment il est arrivé ici. Il rencontre Robin avec qui il va combattre une créature monstrueuse. L'issue du combat mènera Robin à la mort. A partir de là, Batman va être confronté à plusieurs versions de la mort de son acolyte. A la fin de l'épisode, le spectateur comprend que toutes ces aventures n'étaient pas réelles.

"Robin Dies at Dawn" est une histoire en deux parties parue dans le numéro 156 de Batman en juin 1963, et écrite par Bill Finger. Dans cette histoire, Batman se réveille sur une planète étrange, sans aucune idée de comment il est arrivé ici. Il rencontre Robin avec qui il va combattre une créature monstrueuse. L'issue du combat mènera Robin à la mort. A partir de là, Batman va affronter plusieurs versions de la mort de son acolyte. A la fin de l'épisode, le spectateur comprend que toutes ces aventures n'étaient pas réelles.


Le chapitre suivant est un peu spécial. Dans la liste des auteurs, on trouve la mention "remerciements spéciaux à Bill Finger" *. Grant Morrison reprend les dialogues écrits par Bill Finger, pour faire revivre au lecteur une séquence hallucinatoire issue du passé de Batman. Une fois de plus, le scénariste réutilise de manière habile des éléments existants afin de mieux les inclure dans une continuité générale et modernisée. L'auteur commence à exploiter une narration non-linéaire, en plongeant subitement dans un passé, halluciné certes, mais passé tout de même. La scène mêle une séquence durant laquelle intervient Joe Chill, ainsi qu'un souvenir du rituel du Thögal *. On retrouve dans ce chapitre un motif récurrent de cet arc narratif, le rouge et le noir. Dans le cas présent, c'est Joe Chill qui manipule un jeu de cartes. Ces couleurs, déjà présentes de manière symbolique dans le tome précédent, vont rapidement dévoiler tout leur sens. Comme souvent dans la narration du scénariste, les séquences mêlent passé et futur. Le passé est ici bien évidemment représenté par la confrontation entre Joe et Batman. On retrouve d'ailleurs, au détour d'une case, Joe dans une pause similaire à celle de Bruce Wayne lors de la mort de ses parents, genoux au sol, avec un point de vue situé au dessus du personnage. A l'issue de la scène, on comprend que Chill se suicide, devant un Batman satisfait (ce qui est différent de la scène originale, dans le numéro 47, au cours duquel le malfrat se fait tuer par ses propres hommes). Bien évidemment, tout ce chapitre est une hallucination, une réminiscence, et le comportement de Batman dans ce rêve fantasmé laisse présager une attitude vengeresse qui ne tardera pas à venir. Passé et futur sont intimement liés. Enfin, un jeu sur la narration s'opère, grâce à l'insert de cases à première vue hors contexte. Cet élément prouve que tout le chapitre n'est pas un flashback, mais un rêve.

* Bill Finger (biographie)
Bill Finger (1914 - 1974) est, avec Bob Kane, le créateur de Batman. Il a écrit plusieurs aventures du Chevalier Noir, la plupart orientées vers le polar. Il travaille aussi sur les premiers épisodes de Green Lantern. De nos jours, toutes les adaptations portent la mention "personnage créé par Bob Kane", mais jamais Bill Finger n'apparaît dans les crédits. Il a aussi participé à la création de Bruce Wayne, de Robin, du Joker, de Double-Face ou encore de Catwoman. 
* Rituel du Thögal (bouddhisme)
On retrouve le Thögal dans la mythologie bouddhiste, et plus précisément dans son approche de la mort. Le Thögal est une pratique propre aux plus grands maîtres yogis, qui existait déjà dans les écrits iraniens antiques adeptes du mazdéisme (une religion iranienne qui doit son nom à son Dieu principal: Ahura Mazda, et aussi connue sous le nom de zoroastrisme). Le Thögal permet de réaliser le Dzogchen (qui signifie "grande perfection"), un ensemble de techniques permettant un éveil spirituel complet et total.

C'est un peu plus tard que le lutin volant se présente. Il s'agit en fait de Bat-Mite, une créature originaire de l'Espace B, de l'Expansion Pentapliée de Zrfff *. En l'état, tous ces termes sont indéniablement barbares. Une présentation de Bat-Mite s'impose. Apparu pour la première fois dans Detective Comics numéro 267, en 1955, le personnage est une autre création de Bill Finger (et de Sheldon Moldoff). A la base, Bat-Mite possède des pouvoirs illimités, dus à son appartenance à la Cinquième Dimension, dont les règles ne peuvent pas être comprises par les humains, limités à une vision tri-dimensionnelle. Même s'il lui est arrivé d'aider Batman, Bat-Mite endosse souvent le rôle de nuisance (sans être au niveau d'un super vilain). En introduisant un élément fantastique tel que ce personnage improbable, Grant Morrison manipule adroitement un de ces thèmes de prédilection: la limite entre la réalité et la fiction. Jusqu'à l'ère contemporaine des comics, Bat-Mite était considéré comme un personnage réel, vecteur saugrenu d'aventures surréalistes et galactiques. Morrison ne renie en rien ce qu'a vécu Batman, seulement, il fait de Bat-Mite le produit de l'imagination du Chevalier Noir. Le scénariste force le lecteur à s'impliquer dans sa lecture, à réfléchir sur ce qu'il voit. Une manière de rappeler qu'aucune certitude n'est jamais acquise, et qu'il convient de recoller les fragments pour avoir une vision d'ensemble de la situation. La véritable utilité du personnage ne sera révélée que plus tard. Cependant, pour ne pas trop désarçonner le lecteur, le scénariste remet l'intrigue principale sur les rails, en laissant Batman trouver un indice sur tout ce qui se trame dans son dos: un gant noir.

* Zrfff (comics)
Zrfff est un monde de la Cinquième Dimension, territoire des génies et autres lutins. Les habitants de la Cinquième Dimension possèdent des pouvoirs puissants lorsqu'il sont présent dans notre univers en Trois Dimensions.


Un autre thème mis en avant par Grant Morrison, et ce dès le tome précédent, c'est celui de la représentation. Culturelle bien sûr, avec les œuvres d'art et leur signification (voir l'article consacré à L'Héritage Maudit), mais aussi théâtrale ou plus simplement physique. Le Club des Héros, le Gant Noir, les différents Batmen (les Trois Fantômes ou bien les équivalents étrangers), il y a une dimension assez grandiloquente dans tous ces éléments, ainsi qu'une incertitude concernant le vrai ou le faux. C'est une thématique qui atteindra son apogée dans le volume 7 de la collection, intitulé Batman Incorporated. En malaxant une nouvelle fois la ligne temporelle, Morrison met en avant, le temps d'une pleine page, des Batman et Robin terrifiants, hurlant cette réplique forte: "Batman et Robin ne mourront jamais !". Cette déclaration a pour fonction première d'abolir une nouvelle fois le quatrième mur. En effet, après avoir lu le titre de l'arc narratif en cours, à savoir Batman R.I.P., le lecteur attend la mort du personnage. La phrase de Batman vient alors remettre en cause ce titre prophétique, tout en rappelant que Batman est une icône de la culture comics, voire de la culture tout court, et qu'à ce titre, jamais il ne disparaîtra. Mais dans un sens plus littéral, le lecteur sait que l'entité Batman ne mourra effectivement jamais, étant donné qu'une vision du futur lui a montré que Damian prendra la succession de son père. Ainsi, il est pertinent de s'interroger sur les identités des Batman et Robin mis en avant lors de cette scène. Robin ne ressemble pas du tout à Dick, il semble que ce soit Damian qui porte le costume du coéquipier. Déjà, toute l'histoire concoctée par Morrison est en place, il suffit de saisir les indices distillés ici et là.

Ainsi, il n'est pas surprenant de découvrir un personnage à première vue anecdotique, un clochard poussant un chariot. Batman va d'ailleurs glisser 200 dollars dans son caddie, ce qui aura des conséquences quelques pages plus tard. Tout comme les inscriptions "Zur-En-Arrh" présentes au tout début du premier tome, ce détail à première vue insignifiant aura son rôle à jouer dans ce volume. Mais nous y reviendrons plus bas. Un plan de l'Asile d'Arkham est présent, au coeur duquel s'agitent des insectes aux teintes rouge et noire. On voit ensuite le Joker effectuer un test de Rorschach, rouge et noir, tandis qu'il commence à montrer un intérêt profond pour les fleurs. Des fleurs, nous le verront plus tard, rouges et noires. Une scène issue du comics DC Universe numéro 0 présente une confrontation verbale entre Batman et le Joker. Les pages sont agencées en forme de damier, avec des cases consécutivement rouges puis noires. Ceci fait évidemment référence au "jeu" que mènent les deux personnages, ainsi qu'au carrelage d'une salle d'une importance capitale qui fera son apparition plus loin dans le récit.

D'autres éléments alimentent le récit de Morrison. Ainsi, plusieurs fois dans le run, des éléments mettent le doute sur les véritables intentions d'Alfred. On parle de relations entre le domestique et la mère de Bruce, on a vu le personnage semer le doute dans l'esprit de Robin, et bien sûr on assiste au fait qu'il désapprouve certains actes de Batman. De plus, Alfred est un personnage qui en sait beaucoup sur Bruce Wayne, comme ce dont se vante le Gant Noir. Heureusement, le talent des auteurs permet au lecteur attentif de clairement positionner Alfred face à tous ces funestes événements: à plusieurs reprises, le majordome revêt des gants... blancs. Et si Batman se croit seul, il découvrira bien vite que c'est loin d'être le cas.


C'est alors que s'enclenche la phase finale du plan du Gant Noir, avec l'apparition totale et définitive du Zur-En-Arrh. Ce terme existe depuis des années dans l'univers de Batman, mais Grant Morrison s'en sert ici de manière flamboyante. Zur-En-Arrh *, trois mots mystérieux qui renvoient à des aventures de Batman publiées dans les années 50. L'auteur exploite ces éléments de manière semblable à Bat-Mite, il les actualise. Pour remettre en ordre le puzzle, il faut une fois de plus revenir au numéro 146 de Batman, Robin Dies at Dawn. Dans ce chapitre, Batman participe à un test de la NASA qui a pour effet de lui causer des hallucinations au cours desquelles il ne cesse de voir Robin en danger. Le médecin qui s'occupait du test n'était pas nommé dans ce chapitre, il aura fallu attendre la participation de Grant Morrison pour lui voir attribuer un nom: le Docteur Simon Hurt *. Le lecteur apprend que, durant les expériences pratiquées à la NASA, Hurt a implanté une phrase codée dans l'esprit de Bruce, qui a pour effet de laisser le héros complètement désemparé, confus et psychologiquement dérangé (en plus d'être frappé d'amnésie). C'est complètement perdu, sans aucun repère, que Bruce Wayne va errer dans Gotham City.

* Zur-en-Arrh (comics)
Ce terme est apparu pour la première fois en 1958 dans l'histoire Batman: The Superman of Planet-X, publiée dans Batman numéro 113. Dans cette histoire, le Batman de Zur-en-Arrh vient sur Terre pour chercher Batman et le ramener avec lui afin de se battre contre des robots tueurs. Sur Zur-en-Arrh, Batman se rend compte qu'il possède des pouvoirs semblables à ceux de Superman. 

* Docteur Simon Hurts (origines)
"Hurt", en anglais, signifie "souffrance" ou "blessure". Dans la version originale du comics, en anglais, lorsque le mot "hurt" apparaît, il est souvent surligné en gras, comme si Grant Morrison voulait donner un indice sur l'identité du chef du Gant Noir. Le contraste entre les termes "docteur" et "blessure" frappe immédiatement, et renseigne sur le nature maléfique du personnage. Celui-ci est parfois assimilé au Mal suprême, voire au Diable, comme le mentionne le Troisième Fantôme. La véritable nature du Docteur Hurt sera révélée dans la suite du run.

Grant Morrison en profite alors pour mettre en avant le lien étroit qu'entretient Batman avec la ville, ou plutôt SA ville. Une image en particulier décrit bien ce lien. Alors que le Chevalier Noir est perché au sommet d'un immeuble, entouré par deux gargouilles et Bat-Mite, il contemple la cité baignée par lumière des néons. La mégalopole revêt alors un aspect étrange et se retrouve encerclée par une grille. Comme si Batman voyait Gotham City à la manière d'un échiquier géant, dont il surveille chaque case, chaque quartier. Lors de cette scène symbolique, Batman se surprend à discuter avec les deux gargouilles à côté desquelles il se tenait. Une fois encore, cette hallucination conforte le lien qui uni le personnage et la ville, comme si celle-ci s'exprimait au travers des statues de pierre. Après les nombreuses années passées à protéger Gotham City, cette dernière protège à son tour Batman. La cité guide aussi le Chevalier Noir en la personne de Honor Jackson. Cet SDF auquel Batman a donné une poignée de dollars quelques pages plus tôt refait son apparition pour aider Bruce Wayne. Pourtant, sa nature n'est pas vraiment explicitée. Nouvelle hallucination ? Fantôme ? Matérialisation d'une Gotham redevable ? Rien de tout ça ? En effet, pour comprendre ce personnage, il faut plutôt s'orienter vers les mythes issus de la culture vaudou, et y voir une référence au fameux Baron Samedi *. On retrouve chez Honor quelques éléments qui y font en tout cas référence: le teint de peau bien sûr, mais aussi les lunettes, un couvre-chef et le contexte bien évidemment. De la même manière, le "guide" que rencontre ensuite Bruce Wayne semble être une "projection" de Honor, voire une autre facette du personnage. On y retrouve en effet l'oeil manquant (Honor étant représenté avec un carreau de lunette teinté, comme un borgne). Tous ces éléments font passer Honor et son comparse comme des (ou un seul ?) guide(s) pour Bruce. Des événements qui guident notre héros jusqu'à Crime Alley *. Le scénariste nous rappelle ce que Batman a été, ce qu'il est, ce qu'il sera. Il est temps pour Batman de renaître.

* Baron Samedi (mythologie)
Le Baron Samedi est un personnage issu de la culture Vaudou. C'est le Lwa des morts, c'est-à-dire un esprit intermédiaire entre Dieu et les mortels. Il est toujours représenté avec des lunettes, un haut-de-forme, un costume de soirée et du coton dans le nez. Le Baron Samedi est l'esprit de la mort et de la résurrection. Dans Batman R.I.P., Honor Jackson est toujours représenté avec un couvre chef et des lunettes. Son lien avec la mort et son statut de guide conforte son lien avec le célèbre Lwa vaudou, mais une fois de plus, rien n'est vraiment explicité.
* Crime Alley (comics)
C'est le nom d'un célèbre endroit de Gotham City, autrefois appelé le Park Row. C'est dans cette rue que Joe Chill a assassiné les parents de Bruce Wayne. Bruce est déjà retourné à cet endroit pour y déposer une gerbe de fleurs.

C'est le nom d'un célèbre endroit de Gotham City, autrefois appelé le Park Row. C'est dans cette rue que Joe Chill a assassiné les parents de Bruce Wayne. Bruce est déjà retourné à cet endroit pour y déposer une gerbe de fleurs.


Le Batman de Zur-en-Arrh est un concentré de violence et de revanche. Lorsqu'il part consommer sa vengeance, il s'arme d'une batte de baseball ("bat" en anglais). Grant Morrison utilise la dénomination même du héros pour en faire littéralement un BATman. Par la même occasion, Bat-Mite est toujours présent et ne cesse de conseiller le Chevalier Noir. D'ailleurs, le lecteur peut constater que le lutin ne possède pas de reflet dans les miroirs, preuve incontestable que ce personnage n'existe pas, si ce n'est dans l'esprit de Bruce. Il est d'ailleurs le dernier fragment de la personnalité originelle du milliardaire. C'est ainsi que Grant Morrison a réussi à justifier plusieurs dizaines d'années remplies d'aventures de Batman, pour tout faire rentrer dans dix ans de la vie de Bruce Wayne. Certains éléments passés sont d'ailleurs rappelés lorsque Robin lit l'un des carnets noirs de l'homme chauve-souris. Mais Batman R.I.P. permet de conclure l'arc initié avec le premier volume, ainsi que toute la thématique concernant le rouge et le noir. La dernière salle qui voit Batman sombrer dans le désespoir le plus total est construite sur un carrelage rouge et noir. Le sol renvoie à un échiquier funeste, le rouge étant représenté par Jezebel. La belle rousse est en effet un rouage de plus dans l'organisation du Gant Noir.
Le rouge et le noir sont liés: Jezebel et l'organisation.
Le rouge et le noir s'opposent: la rousse, le Chevalier Noir.

Coup de génie ultime, lors d'une dernière page fantastique, Grant Morrison arrive à donner une légitimité à l'expression même de "Zur-en-Arrh". En quelques lignes, le scénariste donne une raison d'être à ces mots à priori quelconques. Pour ce faire, Morrison place l'action de cette dernière scène lors de l'événement fondateur de Batman: la nuit du meurtre de ses parents. Ce soir-là, la famille Wayne sortait d'une séance de cinéma, après avoir vu le film Zorro *.

* Zorro (personnage)
Zorro signifie "renard" en espagnol. C'est aussi un personnage créé en 1919 par Johnston McCulley, un justicier masqué, tout comme Batman. Le personnage de Zorro lutte contre l'injustice dans la Californie espagnole du XIXème siècle. Pour créer Zorro, McCulley s'est inspiré du Mouron Rouge, un justicier anglais créé en 1905 par la Baronne Orczy. De nombreuses oeuvres mettent en scène Zorro, comme des romans, des séries ou des longs-métrages. Dans Batman R.I.P., c'est le film Zorro qui inspire l'identité de Batman à Bruce Wayne, mais dans la réalité, c'est aussi le personnage de Zorro qui a inspiré Bob Kane et Bill Finger pour la création du Chevalier Noir. Avec cet ultime clin-d'oeil, Grant Morrison brise une nouvelle fois le quatrième mur.

Après avoir insisté sur le fait que c'est Zorro qui a influencé Bruce Wayne concernant l'élaboration de son identité de justicier (ce qui fait écho à Bob Kane et sa propre inspiration), le père du jeune Bruce prononce cette phrase lourd de sens:

"[...] Zorro en Arkham".

Zorro en Arkham. Zur-en-Arrh.

Grant Morrison exploite à merveille l'héritage laissé par les scénaristes présents avant lui, afin de créer une timeline cohérente et justifiée de la vie du héros. Les thèmes chers au scénariste sont présents, dissimulés derrière un rythme toujours sans faille, une maîtrise de la narration ingénieuse et un symbolisme permanent. Batman R.I.P. se pose comme un excellent ouvrage, rempli de retournements de situations épiques, de répliques justes et jouissant d'une réflexion lucide sur le personnage et ce qu'il représente. Et le meilleur dans tout ça, c'est que ça ne fait que commencer.